A l'occasion de la journée mondiale des droits des enfants, le jeudi 20 novembre, nous avons interrogé Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, dont la politique volontariste en matière de protection de l'enfance est un exemple et une fierté.
Quelles actions concrètes mettez-vous en place à la Métropole de Lyon pour protéger les enfants en danger ?
La protection de l’enfance est une politique prioritaire pour la Métropole de Lyon : ce sont 10 098 mineur·es pris en charge au titre de la protection de l’enfance en 2024. Le budget est de près de 200 millions en 2025 consacrés pour prévenir et protéger les enfants et les jeunes, en hausse de 25% en 5 ans et de 60% depuis la création de la Métropole. Avec Lucie Vacher, vice-présidente déléguée à l’Enfance, la Famille et la Jeunesse, nous concentrons nos efforts sur la prévention, la proximité et l’amélioration continue des parcours. Concrètement, nous avons ouvert plusieurs chantiers pour améliorer la prise en charge des jeunes. Nous avons d’abord œuvré pour améliorer la prise en charge des enfants : par la mise en place d’une équipe mobile pédopsychiatrique, la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineur·es ou encore par la rénovation de l’intervention des éducateur·ices de prévention spécialisée pour accompagner les enfants dès 10 ans. En parallèle, nous renforçons la prise en compte de l’expérience des jeunes eux-mêmes. La Métropole a ainsi créé il y a quatre ans un Conseil des jeunes confiés, qui nous aide à faire évoluer les pratiques et à identifier ce qui doit être amélioré dans le quotidien des enfants placés. Nous avons conscience que malgré notre action, de trop nombreux enfants sont encore à la rue. La Métropole de Lyon est le seul département à appliquer pleinement sa compétence d’hébergement des femmes isolées avec enfants de moins de 3 ans. Nous attendons que l’État applique également ses propres compétences pour qu’aucun enfant ne dorme dehors.
Quels sont aujourd’hui les enjeux prioritaires de la protection de l’enfance à l’échelle d’une métropole comme Lyon ?
Cela fait des années qu’on a des rapports au plus haut niveau de l’État pour nous expliquer ce qui ne va pas. Nous avons besoin d’objectifs nationaux raisonnables et concrets. Nous nous devons de faire mieux pour les enfants de la protection de l’enfance. À la Métropole de Lyon, nous avons des sources d’optimisme : oui, il est possible de faire des choses bien. Le secteur a besoin d’un soutien plus important et de réforme en profondeur. Les départements, mais aussi le secteur associatif et les réseaux professionnels, le soulignent tous, la crise sans précédent qui frappe les missions de protection de l’enfance, et l’impossibilité de garantir la protection des enfants en danger sur de nombreux territoires dans un contexte marqué par la saturation complète des dispositifs d’accompagnement et le manque de ressources humaines et financières. Afin de faire face à ces défis, nous discutons avec les associations pour innover, essayer d’éviter les placements notamment. Cela passe par plus de prévention et d’actions auprès des familles, ou par des solutions alternatives au placement. Par exemple, l’ouverture d’un service spécialisé sur les tiers dignes de confiance pour que l’enfant puisse être accueilli par quelqu’un·e de son entourage est un dispositif à développer dans l’intérêt de toutes et tous.
Pour vous, que signifie concrètement construire un territoire “à hauteur d’enfant” aujourd’hui ?
Un territoire à hauteur d’enfant, c’est d’abord un territoire qui agit tôt et de manière cohérente. C’est pourquoi nous avons renforcé la Protection Maternelle et Infantile (PMI), un service public de proximité indispensable. Les mille premiers jours sont déterminants dans le développement de l’enfant et dans la prévention des risques. Nous avons investi dans les consultations, les visites à domicile, le soutien à la parentalité et le repérage précoce des fragilités. Mieux accompagner les familles dès la naissance permet d’éviter des situations de danger plus tard. Nous agissons également au moment de l’entrée dans la vie adulte, un âge où beaucoup de jeunes sont vulnérables, en particulier celles et ceux qui ont été suivi·es par l’aide sociale à l’enfance. À 18 ans, l’autonomie ne se décrète pas. C’est pourquoi nous avons renforcé l’accompagnement vers l’autonomie pour les jeunes sortant·es de l’aide sociale à l’enfance (avec notre Accompagnement et Revenu Solidarité Jeunes Majeurs ARSJM), l’accès au logement, et créé un revenu solidarité jeunes, un dispositif innovant pour sécuriser les 18–24 ans qui n’ont pas encore accès au RSA. L’objectif est simple : ne laisser aucun jeune sans soutien au moment où il en a le plus besoin. Une vision écologique de l’action publique, c’est précisément cela : prévenir plutôt que réparer, réduire les vulnérabilités et offrir un environnement protecteur tout au long de la vie.